Il s’agit d’une traduction d’une page d’actualité de l’Université de Leiden. Pour consulter la page originale https://www.universiteitleiden.nl/nieuws/2017/08/hoe-neanderthalers-de-allereerste-lijm-maakten Copyright de l’image : Diederik Pomstra, université de Leiden.
La plus ancienne colle connue au monde a été créée par les hommes de Néandertal. Mais comment ceux-ci faisaient-ils leur adhésif il y a 200 000 ans ? Des archéologues de l’Université de Leiden ont trouvé trois manières possibles. Publication dans Scientific Reports du 31 août 2017
La lance d’un homme de Néandertal est composée en principe de deux parties : un manche en bois et une pointe en silex. Mais il y a un élément de l’arme souvent méconnu qui constitue une énigme pour les archéologues : l’adhésif qui permet d’assembler le manche et la pointe. Les hommes de Néandertal utilisaient pour cela un « goudron » obtenu à partir d’écorce de bouleau, une substance que les archéologues pensaient difficile à produire.
Trois manières
Les archéologues de Leiden montrent aujourd’hui que cette supposition n’est pas exacte. Ces scientifiques sous la conduite de Paul Kozowyk et Geeske Langejans ont découvert pas moins de trois manières d’obtenir du brai à partir d’écorce de bouleau. La méthode la plus simple ne nécessite qu’un morceau d’écorce et du feu.
Archéologie expérimentale
Les chercheurs arrivèrent à cette constatation remarquable en utilisant les quelques outils dont les hommes de Néandertal disposaient. Les chercheurs eurent recours à l’archéologie expérimentale car très peu d’adhésif a été conservé et parce qu’aucune preuve archéologique directe n’a été trouvée permettant de déduire quelle méthode de production a été utilisée par les hommes de Néandertal pour l’acquisition de brai.
Le contrôle de la température
Lors des tentatives précédentes menées par des scientifiques, seule une très petite quantité de brai a été obtenu à partir d’écorce de bouleau, ou même pas du tout, remarque Kozowyk. On pense que c’est parce qu’il est nécessaire de garder le feu à température constante. On a cependant découvert qu’il y a plusieurs manières de produire du brai et que certaines de ces manières fonctionnent aussi avec une forte variation de température. Le contrôle précis de la température n’est donc pas aussi important que ce que l’on pensait initialement.
Du simple au complexe
Kozowyk et ses collègues supposent que les hommes de Néandertal découvrirent la production de brai en combinant des connaissances existantes et des matériaux connus. Le processus a pu commencer par une méthode simple pour laquelle seul du feu et de l’écorce de bouleau sont nécessaires puis les hommes de Néandertal seraient passés à une méthode plus complexe avec un rendement en brai de bouleau plus important.
Référence
Kozowyk, P., Soressi, M., Pomstra, D., Langejans, G. (2017). Experimental methods for the Palaeolithic dry distillation of birch bark: implications for the origin and development of Neandertal adhesive technology.
https://www.nature.com/articles/s41598-017-08106-7
Outre la description de trois techniques pour obtenir du brai de bouleau, l’article est intéressant pour les pistes bibliographiques qu’il donne sur les traces archéologiques relatives au brai de bouleau et sur les plus anciens indices d’emmanchement.
Quelques références sur la découverte de brai de bouleau en contexte archéologique
Le plus ancien : Campitello Quarry (Italie), il y a environ – 200 000 ans
Mazza, P. P. A. et al. A new Palaeolithic discovery: Tar-hafted stone tools in a European Mid-Pleistocene bone-bearing bed. J. Archaeol. Sci. 33, 1310–1318, doi: 10.1016/j.jas.2006.01.006 (2006). Consulter l’article en ligne
Königsaue (Allemagne) : environ – 80 000 ans
Koller, J., Baumer, U. & Mania, D. High-tech in the Middle Palaeolithic: Neandertal-manufactured pitch identified. European Journal of Archaeology 4, 385–397, doi: 10.1177/146195710100400315 (2001).
Inden-Altdorf (Allemagne) : environ -120 000 ans
Pawlik, A. F. & Thissen, J. P. Hafted armatures and multi-component tool design at the Micoquian site of Inden-Altdorf, Germany. J. Archaeol. Sci. 38, 1699–1708, doi: 10.1016/j.jas.2011.03.001 (2011).
Découverte de restes d’adhésif en contexte mésolithique
Star Carr (Grande-Bretagne), 8770-8460 cal BC
Aveling, E. & Heron, C. Identification of birch bark tar at the Mesolithic site of Star Carr. Anc. Biomol. 2, 69–80 (1998).
Pulli (Estonie), 8700-8500 cal BC
Signe Vahur, Aivar Kriiska and Ivo Leito INVESTIGATION OF THE ADHESIVE RESIDUE ON THE FLINT INSERT AND THE ADHESIVE LUMP FOUND FROM THE PULLI EARLY MESOLITHIC SETTLEMENT SITE (ESTONIA) BY MICRO-ATR-FT-IR SPECTROSCOPY
Estonian Journal of Archaeology, 2011, 15, 1, 3ñ17 doi: 10.3176/arch.2011.1.01. Pour consulter l’article en ligne.
Technique de l’emmanchement
La technologie de l’emmanchement est connue depuis 300 000/200 000 ans et pourrait être aussi vieille que 50 000 ans
Wilkins, J., Schoville, B. J., Brown, K. S. & Chazan, M. Evidence for early hafted hunting technology. Science 338, 942 (2012).
Rots, V. Insights into early Middle Palaeolithic tool use and hafting in Western Europe. The functional analysis of level IIa of the early Middle Palaeolithic site of Biache-Saint-Vaast (France). J. Archaeol. Sci. 40, 497–506, doi: 10.1016/j.jas.2012.06.042 (2013).
Rots, V., Hardy, B. L., Serangeli, J. & Conard, N. J. Residue and microwear analyses of the stone artifacts from Schöningen. J. Hum. Evol. 89, 298–308, doi: 10.1016/j.jhevol.2015.07.005 (2015).
Rots, V. Prehension and Hafting Traces on Flint Tools: A Methodology. (Universitaire Pers Leuven, 2010).
Utilisation du bois par Néandertal
Schoch, W. H., Bigga, G., Böhner, U., Richter, P. & Terberger, T. New insights on the wooden weapons from the Paleolithic site of Schöningen. J. Hum. Evol. 89, 214–225, doi: 10.1016/j.jhevol.2015.08.004 (2015).
Hardy, B. L. Neanderthal behaviour and stone tool function at the Middle Palaeolithic site of La Quina, France. Antiquity 78, 547–565, doi: 10.1017/S0003598X00113213 (2004).
Hardy, B. L. & Moncel, M.-H. Neanderthal use of fish, mammals, birds, starchy plants and wood 125–250,000 years ago. PLOS ONE 6, e23768, doi: 10.1371/journal.pone.0023768 (2011).